Zoe Nadal
Connaître
l’histoire de Cyrano de Bergerac n’est
pas une condition préalable pour tomber amoureux et bien profiter de cette
adaptation sensationnelle de l’œuvre de Rostand. Réalisé en 2006 par Denis
Podalydes pour la célèbre Comédie Française, ce classique raconte l’histoire de
Cyrano, un poète et un épéiste qui s’éprend d’un amour bien réel pour Roxane, sa
belle et intelligente cousine. Malgré son esprit, son charisme (et son nez anormalement
long), Cyrano se trouve trop laid pour bien exprimer ses sentiments à Roxane.
En revanche, il se résout à aider Christian, un beau soldat dans son régiment, afin
d’obtenir l’affection de Roxane, en écrivant des lettres d’amour et de belle poésie
pour les lui envoyer.
Même si c’est un classique qui est fréquemment
mis en scène partout dans le monde, cette adaptation apporte une nouvelle vie à
l’histoire. Podalydes, avec le concepteur du décor (Ruf) et celui des costumes
(Lacroix), rendent cette histoire nouvelle et saisissent votre attention et
votre cœur avec la panache, visible dans le décor et les costumes, et l’estime
pour la poésie du 17e siècle. Ayant eu la chance de voir plusieurs
adaptations de Cyrano, une de mes pièces
préférées, je remarque que cette adaptation, en comparaison avec les autres,
trouve et maintient l’équilibre entre l’esprit flamboyant de l’histoire et de
Cyrano, et la poésie, la façon sensible avec laquelle Podalydes et les scénographes
traitent et s’occupent de ce texte magnifique. Je vais commencer par montrer
comment les scénographes ont « joué » avec la lustre et la
romanticisme de la poésie dans cette adaptation et puis, je discuterai comment Podalydes
et Vuillermoz (Cyrano) ont trouvé cette équilibre dans le texte et avec le
personnage de Cyrano.
On n’attendait rien d’autre que la
perfection de la Comédie Française dans le cadre de décor. Eric Ruf, le
scénographe, reste fidèle au texte et aux didascalies et ne rend pas cette
adaptation trop moderne : il garde la pérennité de cette pièce, et conçoit
le décor simple mais toujours impressionnant. Au début, la scène est un peu
nue : d’un théâtre et d’une ville du 17e siècle qui manque de la vivacité. Mais
pendant que la pièce déroule, la scène devient de plus en plus extravagante.
Dans la deuxième scène, par exemple, qui se passe dans la boulangerie de
Ragueneau, on voit des montures qui tombent du ciel, couvertes de poêles, de
grandes cuillères de soupe, et de baguettes qu’on peut presque sentir. Ceci
continue tout au long de la pièce, avec le décor réaliste des barricades et du
cloitre à la fin. Mais, on n’est pas inondé par l’extravagance. L’extravagance
est présente mais traitée d’une façon sensible et sérieuse : on a pas
d’extravagance juste parce qu’on peut l’avoir. Par exemple, quand Roxane
s’enroule dans les paroles de Cyrano pendant la scène du balcon, Ruf l’a fait
volé comme si elle était trop amoureuse qu’elle ne pouvait plus rester sur le
sol! Oui, c’est extravagant, cet effet de voler sur scène. Mais, cela indique
quelque chose de l’esprit de Roxane à ce moment. On voit comment les paroles,
que nous public, écoutons avec elle, la touche fortement. Christian Lacroix
trouve cet équilibre avec ses costumes, surtout avec les couleurs. Même si les
costumes sont extravagants et fidèles au 17e siècle, Lacroix a bien
choisi de mettre les citoyens dans les couleurs foncés et Cyrano dans un
couleur plus vive : l’orange. Cette couleur sort de la masse et c’est en
faisant cela que Lacroix veut insister sur le fait qu’il est
« autre. »
Podalydes a bien gardé la poésie du
texte original. Il n’a rien changé pour le rendre plus moderne. Alors que le
jeu des acteurs principaux était magnifique, surtout de Vuillermoz, notre
Cyrano, la grande star du spectacle est la poésie. Les acteurs échangent
les vers en alexandrin sans effort et le public ne peut pas s’empêcher
d’anticiper la rime des phrases bien conçues. Dans « Cyrano », on a
la poésie du texte mais aussi de Cyrano, lui-même : de ses lettres et de
ses paroles, que Vuillermoz rend justice. Vuillermoz est un excellent acteur,
parfaitement choisi par Podalydes pour jouer le rôle si connu de Cyrano. Il a une grande puissance à la fois comique et
dramatique, idéale pour ce héros magnifique. Avec ses yeux larges et expressifs
et son soin attentif pour la langue et la poésie de cette pièce, Vuillermoz
brise votre cœur en essayant d’obtenir l’amour de sa cousine, qui n’est pas
amoureuse de lui. Il habite pleinement le personnage de Cyrano : il crée
un personnage complexe qui peut passer rapidement du Cyrano grandiloquent et
flamboyant au Cyrano romantique et chaleureux. On peut dire, donc, que
Vuillermoz trouve l’équilibre de gusto et poésie dans son joue du rôle de
Cyrano.
Pendant les cinq actes de
« Cyrano de Bergerac » nous sommes expédiés vers un monde et une
histoire de tragédie, de comédie, de drame. C’est cet équilibre entre toutes
ses formes qui fait de cette pièce un classique formidable. Cette adaptation,
de plus, a bien réussi à trouver l’équilibre entre le panache et la poésie, la flamboyance
et la sensibilité. Le décor et les costumes, comme Cyrano lui-même, avec leurs
grandeurs et leurs couleurs, ont une sorte d’esprit qui rend cette adaptation à
la fois vivace mais touchante. Podalydes, en gardant le texte originale et en
choisissant Vuillermoz pour notre Cyrano, trouve l’équilibre entre la poésie et
les personnages comme des choses à la fois théâtrales, mais aussi belles,
expressives et subtiles.
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