lundi 22 juillet 2013

L'image et l'enfer dans Huis clos

« Elles sont atrophiées » (17) proclame Garcin en parlant des paupières du garçon dans la première scène de Huis clos d’écrivain existentialiste Jean-Paul Sartre, une pièce qui était représentée la première fois en 1944. Sans paupières, on doit toujours regarder, or, regarder et être regardé sont des thèmes puissants dans la pièce. Même s’il n’y a « pas de glaces, pas de fenêtres » (15), les outils traditionnels pour regarder et pour être regardé, le thème de l’image est lié au regard et il est très important dans la pièce. Si important que dans Huis clos, la forme de torture la plus puissante en enfer pour ceux qui ont des mauvaises consciences, c’est la réflexion.
C’est tôt dans la pièce que Garcin remarque qu’il n’y a « pas de glaces » (15). Dès le début, un des personnages principaux se préoccupe de son image. Estelle, aussi, fait la même chose. « Monsieur, avez-vous un miroir » (44) demande-t-elle à Garcin. Par contre, Inès ne demande pas de miroir, mais elle offre d’être un miroir : « voulez-vous que je vous serve de miroir » (45), dit-elle à Estelle. Qu’est-ce que cela veut dire ? Garcin et Estelle sont en train de découvrir les effets de leurs actions, mais Inès reconnait les siens et elle invite les autres à découvrir les leurs.
Il y a deux parties de la réflexion : la partie physique et la partie mentale. Mais Sartre élimine la possibilité qu’il y aurait une image physique parce qu’il n’y a pas de miroirs sauf les yeux d’Inès. Mais même ces yeux représentent une réflexion mentale. « Regarde dans mes yeux » elle dit à Estelle, « pose-moi des questions. Aucun miroir ne sera plus fidèle » (46). L’idée des questions rend ce miroir plus qu’un miroir ; Inès veut ici qu’Estelle les utilise comme un miroir pour trouver la vérité de sa vie et de ses péchés, pas seulement comme un miroir afin qu’Estelle puisse se mettre son rouge à lèvre.
Enfin il y a, bien sûr, la célèbre tirade de Garcin dans la cinquième scène. « Je comprends que je suis en enfer. Je vous dis que tout était prévu….l’enfer, c’est les Autres » (93). Cette tirade a trois thèmes importants dans la pièce : celui du regard, celui de la reconnaissance des péchés et cela des Autres. Quand on mélange toutes ces choses, on comprend que Garcin dit que le regard des Autres, c’est l’enfer, parce que les Autres reconnaissent les péchés de ceux qu’ils regardent. Garcin sait qu’il a péché, et il sait que les Autres, Estelle et Inès, le jugent à cause de ses péchés : « tous ces regards sur moi. Tous ces regards qui me mangent » (94). Il reconnait aussi qu’il n’y a « pas besoin de gril » (94) ou des autres instruments de torture ; c’est les Autres qui le jugent et qui le tourmentent. L’image des miroirs est ici liée à la réflexion mentale et enfin la reconnaissance que cette réflexion, complétée par les regards et les jugements des Autres, est vraiment l’enfer.
Dans Huis clos, ce sont les deux personnages qui se sentent les plus coupables qui en ont besoin pendant toute la pièce de la réflexion. Garcin et Estelle, qui essayent de trouver le réconfort avec l’amour et le sexe, sont obsédés par la réflexion physique et mentale. Inès, par contre, reconnaît qu’elle a péché, et ni la réflexion physique ni la réflexion mentale ne la dérange. En fait, c’est elle qui essaie de faire prendre conscience à Estelle et surtout Garcin qu’ils sont coupables. Même à la fin, quand Garcin accepte qu’il est vraiment en enfer, c’est parce qu’il reconnait qu’il n’a rien sauf son image et les regards des autres. « L’enfer, c’est les Autres » (93), c’est la reconnaissance de cette réalité. Comme les paupières atrophiées du garçon, on doit toujours regarder et être conscient du fait qu’on est regardé.

Bibliographie


Sartre, Jean-Paul. Huis clos suivi de Les mouches. Paris: Editions Gallimard, 1947. Imprimé.

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