« Elles sont atrophiées » (17) proclame Garcin en parlant des
paupières du garçon dans la première scène de Huis clos d’écrivain existentialiste Jean-Paul Sartre, une pièce
qui était représentée la première fois en 1944. Sans paupières, on doit
toujours regarder, or, regarder et être regardé sont des thèmes puissants dans
la pièce. Même s’il n’y a « pas de glaces, pas de fenêtres » (15),
les outils traditionnels pour regarder et pour être regardé, le thème de
l’image est lié au regard et il est très important dans la pièce. Si important
que dans Huis clos, la forme de
torture la plus puissante en enfer pour ceux qui ont des mauvaises consciences,
c’est la réflexion.
C’est tôt dans la pièce que Garcin remarque qu’il n’y a « pas de
glaces » (15). Dès le début, un des personnages principaux se préoccupe de
son image. Estelle, aussi, fait la même chose. « Monsieur, avez-vous un
miroir » (44) demande-t-elle à Garcin. Par contre, Inès ne demande pas de
miroir, mais elle offre d’être un miroir : « voulez-vous que je vous
serve de miroir » (45), dit-elle à Estelle. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Garcin et Estelle sont en train de découvrir les effets de leurs actions, mais
Inès reconnait les siens et elle invite les autres à découvrir les leurs.
Il y a deux parties de la réflexion : la partie physique et la partie
mentale. Mais Sartre élimine la possibilité qu’il y aurait une image physique
parce qu’il n’y a pas de miroirs sauf les yeux d’Inès. Mais même ces yeux
représentent une réflexion mentale. « Regarde dans mes yeux » elle
dit à Estelle, « pose-moi des questions. Aucun miroir ne sera plus
fidèle » (46). L’idée des questions rend ce miroir plus qu’un
miroir ; Inès veut ici qu’Estelle les utilise comme un miroir pour trouver
la vérité de sa vie et de ses péchés, pas seulement comme un miroir afin
qu’Estelle puisse se mettre son rouge à lèvre.
Enfin il y a, bien sûr, la célèbre tirade de Garcin dans la cinquième
scène. « Je comprends que je suis en enfer. Je vous dis que tout était
prévu….l’enfer, c’est les Autres » (93). Cette tirade a trois thèmes
importants dans la pièce : celui du regard, celui de la reconnaissance des
péchés et cela des Autres. Quand on mélange toutes ces choses, on comprend que
Garcin dit que le regard des Autres, c’est l’enfer, parce que les Autres
reconnaissent les péchés de ceux qu’ils regardent. Garcin sait qu’il a péché,
et il sait que les Autres, Estelle et Inès, le jugent à cause de ses
péchés : « tous ces regards sur moi. Tous ces regards qui me
mangent » (94). Il reconnait aussi qu’il n’y a « pas besoin de
gril » (94) ou des autres instruments de torture ; c’est les Autres
qui le jugent et qui le tourmentent. L’image des miroirs est ici liée à la
réflexion mentale et enfin la reconnaissance que cette réflexion, complétée par
les regards et les jugements des Autres, est vraiment l’enfer.
Dans Huis clos, ce sont les deux
personnages qui se sentent les plus coupables qui en ont besoin pendant toute
la pièce de la réflexion. Garcin et Estelle, qui essayent de trouver le
réconfort avec l’amour et le sexe, sont obsédés par la réflexion physique et
mentale. Inès, par contre, reconnaît qu’elle a péché, et ni la réflexion
physique ni la réflexion mentale ne la dérange. En fait, c’est elle qui essaie
de faire prendre conscience à Estelle et surtout Garcin qu’ils sont coupables.
Même à la fin, quand Garcin accepte qu’il est vraiment en enfer, c’est parce
qu’il reconnait qu’il n’a rien sauf son image et les regards des autres.
« L’enfer, c’est les Autres » (93), c’est la reconnaissance de cette
réalité. Comme les paupières atrophiées du garçon, on doit toujours regarder et
être conscient du fait qu’on est regardé.
Bibliographie
Sartre,
Jean-Paul. Huis clos suivi de Les
mouches. Paris: Editions Gallimard, 1947. Imprimé.
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